La surveillance à la loupe : Capturer les caméras à Genève

L'une des questions émergentes de notre travail à Genève porte sur la transparence des informations relatives au nombre ou à l'emplacement des caméras qui filment les espaces publics, en particulier celles qui sont détenues et exploitées par des sociétés de sécurité privées. Les caméras vidéo constituent un point d'entrée intéressant pour la discussion sur ce sujet, car les technologies numériques sont généralement plus visibles pour les gens, et il est relativement facile de comprendre leur fonctionnement.

Cependant, la difficulté d'accès aux informations concernant ces technologies - comme par exemple où les données sont stockées et par qui - soulève des réflexions sur l'importance de la transparence à la fois dans les sphères publiques et privées. Comprendre comment la numérisation de la sécurité affecte la capacité des gens à vivre ensemble à Genève - c'est-à-dire comment elle façonne le contrat social de la ville - implique de connaître les technologies numériques utilisées, le type de données collectées et la manière dont elles sont stockées et utilisées. Comment l'information doit-elle être mise à disposition ? Quel type d'information doit être accessible à tous ? Les mêmes normes doivent-elles être appliquées, que ces technologies appartiennent à des organismes publics ou privés ? Que se passe-t-il lorsque nous observons ce qui nous observe ?

L'Institut Edgelands a accueilli le projet "Dropping the Pin on Surveillance" dans le cadre du Festival d'Innovation Ouverte Open Geneva et, pendant l'événement, nous avons invité les gens à photographier, géolocaliser et enregistrer les caméras de sécurité à Genève. Pour localiser ces caméras et fournir un point d'entrée pour une conversation autour de la transparence et des technologies de surveillance à Genève, nous avons testé un processus participatif qui implique les résidents dans l'identification et l'enregistrement des technologies de surveillance. Le résultat de ce processus est une première carte des caméras de surveillance à Genève, une carte qui est intrinsèquement collaborative, et qui invite les gens à voir les espaces urbains où ils se déplacent quotidiennement avec un regard différent.

Bien que la carte obtenue fournisse des informations précieuses, elle n'offre pas une couverture complète. Les zones représentées sur la carte reflètent principalement les régions fréquentées par nos participants dans leur vie quotidienne. Par conséquent, l'absence de marqueurs de caméras dans certaines régions ne signifie pas qu'il n'y a pas de caméras dans la réalité. Le 16 mars 2023, notre projet de cartographie a débuté avec 134 caméras signalées par nos bénévoles à Open Street Maps (OSM). Le 30 avril 2023, lorsque nous avons conclu la phase initiale du projet, nous avions reçu un total de 348 photos et identifié avec succès 423 caméras supplémentaires.

Parmi les photos soumises, la majorité montre des caméras filmant les rues, à l'exception de celles situées dans les gares. La concentration de caméras est évidente autour de certains bâtiments et dans l'enceinte des gares. Généralement, les caméras sont positionnées autour de structures importantes, telles que les casernes de pompiers, les banques, les hôpitaux, les bâtiments gouvernementaux, etc. Les caméras exclusivement dédiées à la surveillance des voies publiques sont rares, à l'exception des caméras de circulation. À quelques exceptions près, la majorité des caméras ne disposaient pas d'une signalisation adéquate. Par conséquent, aucune indication ne permettait d'informer les personnes qu'elles étaient sous surveillance, ni de connaître l'entité responsable du traitement des vidéos enregistrées. Par conséquent, il était difficile de déterminer si les enregistrements d'une caméra donnée relevaient de la police, d'une institution publique, d'une société de sécurité privée ou d'une entité individuelle.

Ces observations soulèvent des inquiétudes car elles témoignent d'un manque de transparence. Comme l'a récemment vécu l' un des membres de l'équipe d'Edgelands, l'accès aux informations concernant les enregistrements des caméras de sécurité à Genève s'est avéré difficile. Les participants ont convenu de l'importance d'obtenir plus d'informations sur les caméras de sécurité dans la ville. Certains d'entre eux ont fait part d'un sentiment de malaise lors de la capture de certaines images de caméras, en particulier dans des circonstances spécifiques impliquant certains bâtiments ou des rencontres avec des officiers de police ou des agents de sécurité. Ils ont eu l'impression de commettre un acte répréhensible ou de se sentir mal à l'aise dans de telles situations. Le projet a également suscité des réactions négatives. Certaines personnes n'étaient pas disposées à fournir davantage d'informations sur l'utilisation et l'emplacement des caméras parce qu'elles craignaient de découvrir quelque chose qu'elles n'apprécieraient pas.

En outre, dans le cadre de ce projet, nous sommes allés à la rencontre de certains résidents et visiteurs de la ville, afin de leur demander leur avis sur les thèmes de la sécurité et des caméras de surveillance sous la forme d'un "Vox Pop", ou de courtes interviews, que nous avons filmées dans les rues de Genève. L'une des personnes interrogées dans le cadre du Vox-Pop a déclaré qu'elle préférait ne pas être informée sur les caméras de vidéosurveillance et la surveillance. Le choix de limiter la quantité d'informations disponibles s'est également reflété dans certains commentaires sur un post Instagram de la RTS (Radio Télévision Suisse). La majorité des commentaires étaient contre le projet parce qu'ils pensaient que fournir les emplacements des caméras vidéo dans la ville ne profiterait qu'aux criminels. Ils affirment que les caméras vidéo augmentent la sécurité dans la ville et qu'une plus grande transparence ne ferait que compromettre cette sécurité en donnant plus d'outils aux personnes mal intentionnées.

À la fin de "Dropping the Pin in Surveillance", nous avons organisé un espace de discussion et de réflexion sur 1. l'efficacité de la méthodologie appliquée ; et 2. les utilisations potentielles de la collection d'images résultante, afin de s'assurer que notre méthodologie reste collaborative et applicable. Nous vous invitons à lire certaines des conclusions de ces entretiens ici, et à visionner la vidéo qui en résulte ici.

Rapport final

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