Medellín
19 avril 2022

Entretien avec le concepteur de Decoding Medellín

L'équipe Edgelands

Nous nous sommes entretenus avec Sara Arango Franco, membre Edgelands et l'une des principales animatrices et conceptrices de nos nouveaux ateliers d'analyse de données, afin de mettre en perspective les motivations du programme et ses résultats jusqu'à présent.

Session des ateliers de données à Medellín.

Photo de Camila Roldan

‍Qu'est-ce que"Decoding Security, Coexistence, and Surveillance in Medellín" et en quoi diffère-t-il de "We are Recording You", le sprint de recherche qu'Edgelands a mené à l'automne 2021 ?

"Decoding" s'inscrit dans une série d'ateliers tournant autour de l'analyse de données. Ces ateliers s'adressent tant aux novices intéressés qu'aux expérimentés ; l'objectif pour nos participants est donc d'acquérir une certaine expérience ou expertise en la matière. Les données étudiées pendant nos ateliers sont recueillies auprès des citoyens lors d'épisodes "d'efforts de surveillance". Plus largement, notre but est de permettre aux participants de développer des compétences qui leur seront par la suite utiles pour répondre à des questions de sécurité, et potentiellement participer à l'élaboration de politiques publiques.

La différence avec We are Recording You est que les ateliers de décodage s'adressent spécifiquement à une population ayant des compétences en matière d'analyse de données et sont censés être pratiques dès le début. Si vous observez le programme des deux ateliers, vous verrez que We are Recording You avait beaucoup plus d'orateurs invités et plus de temps consacré à la discussion de sujets liés à la sécurité et à la surveillance. Nous pensons que les deux programmes se complètent très bien. En fait, l'une des participantes de We are Recording You a assisté aux premières sessions de Decoding (bien qu'elle ait dû arrêter parce qu'elle a commencé un nouvel emploi).

Comment le programme est-il conçu ?

Les participants se réunissent pendant huit semaines. Au cours de la neuvième semaine, ils doivent présenter les résultats de leurs recherches à un public composé de partenaires du réseau Edgelands (décideurs, universitaires et autres personnes concernées par la discussion).

  • Piliers du projet : des groupes et institutions de Medellín spécialisés en matière de sécurité ont proposé aux participants des problématiques à résoudre pendant l'atelier. Parmi eux figuraient le Centre d'analyse politique de l'Université EAFIT (CAP), le Système d'information pour la sécurité et la coexistence (SISC) et la Casa de las Estrategias.
  • Mentors : 6 experts en analyse de données sont responsables de nos groupes de projet. Ils guident les participants dans leur travail.
  • Participants : Environ 25 participants -principalement des économistes, des ingénieurs mathématiciens et des politologues, bien que quelques-uns étudient la psychologie et le commerce- se réunissent régulièrement et sont répartis en 6 groupes de travail. Cette répartition a été effectuée selon les positions prises par les participants dans leurs candidatures, et selon les exigences techniques de chaque projet.
  • Des orateurs ont souvent été conviés à intervenir pendant ces sessions. Ces experts en données avaient travaillé, et travaillent encore pour certains, sur des questions liées à la sécurité en Colombie et au-delà. 

Comment se déroule une séance typique ?

Une session typique se compose :

  1. D'un bref récapitulatif par l'équipe d'Edgelands de ce sur quoi a porté la session précédente, ainsi que toute autre annonce générale ;
  2. A l'occasion (et pour la plupart des sessions), une présentation par un orateur qui partage son expérience de recherche appliquée, et élabore sur le rôle des données dans sa recherche ;
  3. D'un travail de groupe (participants et mentors) visant à développer les questions de recherche que les "piliers" du projet ont proposées.

 

Quelles sont les questions sur lesquelles les participants travaillent en ce moment ?

Nos six groupes de travail se penchent sur les questions suivantes :

  • Violences sexistes à Medellín : déterminer si certaines zones de la ville rendent les groupes vulnérables moins susceptibles de demander de l'aide en amont d'un acte de violence sexiste (soutiens du projet : Casa de las Estrategias et CAP. Mentor : Sarah Henao).
  • Les "ghettos" criminels : déterminer quelles zones urbaines sont affectées par une dynamique de "ghetto" (porteur du projet : Casa de las Estrategias. Mentor : Santiago Rodríguez)
  • Analyse de ressentis sur Twitter : programme de recensement de tweets liés à la perception de la sécurité à Medellín ; analyse de l'effet des actuelles mesures sécuritaires sur ces perceptions (sponsor du projet : SISC. Mentor : Felipe Mira)
  • Etude de la corrélation entre outils de mesure "rigides" de la sécurité (ex. absence de vols) et perception de cette même sécurité (supporter du projet : SISC. Mentor : Andrés Pérez
  • Etude de la relation entre configuration urbaine et dynamiques de sécurité (sponsor du projet : SISC. Mentor : Jessica Salazar)
  • Exploration des moyens à mettre en place pour permettre au public de visualiser et de communiquer sur les taux d'homicide à Medellín (porteur du projet : Casa de las Estrategias. Mentor : Manuela Henao)

Comment cette recherche s'applique-t-elle aux problèmes de la vie réelle ?

Ces projets de recherche s'inspirent de problématiques de longue date. Ainsi, nous espérons que les résultats obtenus offriront à nos organisations partenaires -souvent surmenées par des problématiques d'urgence- un espace pour discuter de ces questions innovantes, et leur permettront d'accélérer le phénomène d'engagement avec le public. En réalité, cela a de grandes chances d'arriver étant donné que le travail effectué par le SISC, membre du Secrétariat à la sécurité, est directement lié à la politique publique. De même, la Casa de las Estrategias est l'un des acteurs les plus importants de la ville, notamment grâce à son format de think-do-tank.

 

Comment peut-on "décoder" la sécurité, la surveillance et/ou la coexistence ?

Cela devient assez simple dès que l'on comprend qu'il n'y a pas qu'une seule lecture de ces thématiques, et que les données ne fournissent qu'une représentation limitée de la réalité. Ainsi, le véritable décodage intervient lorsque quelqu'un comprend le processus par lequel les données et les chiffres deviennent des représentations, et peut de fait les interpréter.

Y a-t-il quelque chose qui vous a surpris dans le programme jusqu'à présent ?

Sans hésitation: le grand intérêt porté par tous ceux qui ont postulé, bien que le temps à y consacrer soit presque aussi long qu'un semestre universitaire !

 

Comment le programme se terminera-t-il ?

Lors de la dernière session, les groupes de travail présenteront les résultats de leurs recherches aux "piliers" du projet, aux orateurs invités et aux autres membres du réseau Edgelands. Nous prévoyons de publier leurs travaux sur notre site web et sur les réseaux sociaux, et ferons en sorte qu'ils aient le plus grand impact possible. Plus il y aura de projets de collaboration à l'issue de notre travail, mieux ce sera !